De nombreux livres ont été écrit sur la vieillesse, sur ses aspects médicaux, psychologiques, sociologiques, etc., mais celui-ci est différent. L’autrice nous montre que la vieillesse représente une chance malgré les difficultés de santé et les incapacités grandissantes. Ce livre est un hymne au vivant et non à l’amertume et à la résignation. Il montre que vieillir c’est continuer à apprendre à vivre et combien chacun et chacune peut composer avec les réalités. La vieillesse, comme les étapes de vie qui l’on précédées, est un temps de vie que l’on peut goûter et même savourer.
L’ouvrage de Ghislaine de Sury à travers notre regard
Ghislaine de Sury pense que vivre et donc vieillir n’est jamais linéaire et elle n’est pas loin de penser non plus que l’on vieillit comme l’on a vécu.
L’évidence du vieillissement ne s’impose pas d’un seul coup, comme d’ailleurs aucune des étapes précédentes la vieillesse ; il y a des moments où l’on se sent vieux et d’autres où l’on oublie. Cependant, il est vrai que progressivement le décalage se creuse entre ce dont on est capable et ce dont on n’est plus capable comme le souligne Ghislaine de Sury. A la vieillesse on s’étonne, comme à l’adolescence, de ne plus reconnaître son corps, son image, sa voix. Bondir hors du lit le matin n’est plus possible. Pas loin d’une heure pour réussir à s’habiller, à se coiffer, et in fine affronter le miroir. Miroir, joli miroir … la réponse ne se fait pas attendre ; pas pire que d’habitude ! Depuis le jour de mes 60 ans, l’autrice écrit ; j’entretiens des relations étroites, mais non dépourvues d’ambiguïté, avec les miroirs. Miroir, miroir, dis-moi que je suis encore belle, non évidemment pas la plus belle, mais encore un peu belle … Un tout petit peu … Le miroir se tait. Alors, dis-moi que je suis encore un peu jeune, un peu désirable, un peu attirante … Le miroir continue de se taire, mais souligne une ride creusée au coin de ma bouche, un sillon le long de mon nez, des rides dans le cou auxquelles je n’avais pas prêté attention. C’est le visage de ma grand-mère que je vois se profiler ! Je me fâche … Je tente une dernière fois de l’amadouer. Miroir, joli miroir ! Dis-moi que je suis encore gaie, encore drôle, encore capable de rire … Cette fois, il s’anime et déclare sans hésiter : là-dessus, tu as encore un bel avenir devant toi. Mais il y a du travail à faire, beaucoup de travail …
Bien sûr, au temps de la vieillesse, la vie des vieux et des vielles personnes rétrécit, et cela depuis la nuit des temps ; mais au fond où est le problème, nous interroge Ghislaine de Sury.
Comme la plupart de ses contemporaines, Ghislaine de Sury assume complètement son rôle de grand-mère et pour son plus grand-plaisir, mais elle revendique le droit de l’exercer à sa façon ! C’est en passant du temps avec nos petits-enfants, en faisant des choses ensemble, que nous deviendront passeurs, sans le chercher, sans le vouloir ; leur faire confiance et se souvenir que nos petits-enfants ne nous appartiennent pas plus qu’ils n’appartiennent à leurs parents, alors l’histoire de la transmission ne sent pas très bon !
Il y a bien sûr des appréhensions, des soucis d’argent, des brouilles familiales, la complexité du quotidien, des défaillances du corps et la perspective de la finitude qui se rapproche. Certains jours semblent bouchés, quelques nostalgies rôdent et la valse des spécialistes commencent. Pas simple de trouver le juste équilibre et le temps quotidien commence à être grignoter par des rendez-vous de médecins et examens de laboratoire. Et il y a les choses qui restent aussi en travers de la gorge ; les choses perdues que l’on ne retrouvera pas. Les jolies chevilles de nos vingt ans ! Comment ne pas glisser dans la morosité et le découragement ? Comment trouver des relations différentes avec autrui ? Comment traverser les mauvaises nouvelles, petites et grandes ?
A chacune et à chacun sa stratégie.
Parler, se promener, rêver, rire, créer, jouer avec les temporalités, revisiter ce à quoi l’on tient et surtout continuer à apprendre à grandir en humanité, nous souffle Ghislaine de Sury.
Sandrine Favre, août 2024
Ghislaine de Sury, (2016). Le goût de vieillir. Editions de La Martinière